vendredi 10 août 2007

VIRGINITE ... est ce encore tabout ?

Pour les jeunes Marocaines, arriver “intacte” au mariage reste un puissant impératif social. Celles qui passent outre sont pourtant de plus en plus nombreuses… mais rares sont celles qui osent l'avouer, et encore moins l’assumer. Quant à le revendiquer, n'en parlons même pas…
La scène se passe dans l'un des pubs branchés de Casablanca. Adil, la trentaine, est accosté par une jeune fille qui le trouve “mignon” (elle le lui dit sans façons) et qui aimerait absolument “tenter quelque chose, pourquoi pas dès ce soir” (elle le lui dit aussi, les yeux dans les yeux). Adil se laisse facilement convaincre, surpris que la jeune femme, 22 ans, plutôt BCBG, puisse être aussi directe. À 3 h du matin, voici que le couple improvisé se dirige vers le domicile de la fille - à sa demande. “À 6 h, après avoir fait notre affaire, elle m'a littéralement mis à la porte”, raconte Adil, encore sous le choc d'une telle audace.
Des filles “qui couchent”, il en a vu. Mais des comme celle-là, assumant leur sexualité avec autant de naturel - aussi facilement qu'il l'assumerait lui, pour tout dire - c'est quand même nouveau…
Dire que les toutes jeunes Marocaines d'aujourd'hui mènent une vie sexuelle décomplexée serait bien entendu une généralisation abusive. Cela dit, l'évolution des mœurs est de plus en plus perceptible. De l'avis de Adil et de ses nombreux semblables, celles qui attendent le feu vert des adouls pour passer à l'acte sont en passe de devenir une rareté. “Socio-statistiquement” parlant, les raisons sont faciles à imaginer : l'âge du mariage qui recule parallèlement à l'autonomisation croissante des femmes, les conditions économiques qui font que… Mais ce n'est quand même pas aussi simple que cela en a l'air.
Déjà, celles qui défrichent ce nouveau terrain des mœurs se recrutent dans une certaine catégorie, strictement urbaine, relativement aisée et consommatrice de loisirs. Si on les rapporte aux 15 millions de femmes Marocaines, il ne s'agit que d'une petite minorité, dont la perception moderne de la morale est à quelques années-lumière de celle du Maroc profond.
Amine, cadre supérieur de 32 ans, ne connaît qu'elles. “Une fille vierge, ça n'existe plus”, tranche-t-il sans ambages. Pour ce noctambule averti, la virginité est devenue une exception qui suscite l'étonnement, voire… un handicap ! “Avant, les filles avaient honte de dire qu'elles n'étaient plus vierges. Maintenant, ce sont celles qui le sont encore qui deviennent la risée de leurs copines”, soutient-il.
“La suite logique des choses”Plus qu'une tradition “dépassée”, la virginité, pour les jeunes femmes des classes moyennes urbaines, est désormais perçue comme difficilement compatible avec la nouvelle réalité sociale. L'âge du mariage pour les femmes est désormais de 27 ans, sans doute la moyenne la plus élevée jamais enregistrée dans l'histoire du Maroc. Quant à la mixité, elle est inévitable dans l'espace public et professionnel. Ce n'est pas tant que les jeunes Marocaines “couchent” plus facilement parce qu'elles ont pris conscience de leur droit à une vie sexuelle aussi libre que celle des hommes. Mais le soubassement de l'impératif traditionnel de virginité (préserver sa “pureté” pour le futur mari) est de moins en moins soutenable. D'abord, elles n'ont plus besoin d'un mari pour être financièrement autonomes de leurs parents. Et puis, une question toute simple : et si le mari n'arrivait jamais ?
Beaucoup finissent donc logiquement par franchir le pas. “J'ai toujours su que je perdrais ma virginité le jour où je rencontrerai la bonne personne. Je l'ai fait à 25 ans et je ne le regrette pas”, témoigne Halima, 30 ans, célibataire. Pour Halima, la perte de la virginité n'a pas été une reddition à la réalité socio-économique, mais un choix assumé, dicté par l'envie de vivre pleinement sa sexualité. D'autant plus que “la bonne personne” avec qui elle a franchi le pas était un homme marié… “Il me plaisait et je me sentais bien avec lui. Alors, je ne me suis pas posé trop de questions”, explique-t-elle. Safae, la trentaine, cadre dans le privé, vit la chose d'une manière encore plus détachée : “Cela fait dix ans que je ne suis plus vierge. Et franchement, cela ne m'a jamais inquiétée, lance-t-elle avec le sourire. Je me rappellerai toujours de ce qu'un psy m'avait dit un jour : on ne perd pas sa virginité, on gagne en civilité”. D'autres jeunes femmes choisissent de perdre leur virginité parce qu'elles se sentent bien et épanouies avec leurs partenaires, et que “c'est la suite logique des choses”. Et le mariage, est-ce pour elles “la suite logique de la suite” ? Même si elles ne l'admettent pas facilement, l'idée est souvent là, tapie dans une sorte d'inconscient collectif encore difficile à évacuer totalement. On est encore loin d'un scénario à l'européenne, où les jeunes femmes trouveraient naturel de découvrir leur sexualité aussi tôt que possible.
Celles qui franchissent le pas gardent toujours un souvenir marquant de “la première fois”. Pour les plus chanceuses, c'est le modus operandi qui, a posteriori, les aide à surmonter une mauvaise conscience quasi instinctive. “Je n'ai pas eu mal. Cela s'est fait sur plusieurs fois et très doucement”, affirme Hasna, 30 ans. Ce n'est pas le cas de Zineb, 38 ans, aujourd'hui mariée, qui garde un souvenir franchement désagréable de sa première expérience. “J'ai été traumatisée. Je n'arrivais pas à dépasser mon angoisse par rapport à l'éducation que j'ai reçue. Mes regrets ne se sont complètement estompés qu'après un long voyage en France, et après avoir constaté la liberté dont jouissent les Européennes. Ce n'est qu'après avoir vu ça que je suis réellement arrivée à couper le cordon”.
Amal Chabach, sexologue à Casablanca, explique qu'il reste difficile pour une Marocaine d'assumer une sexualité épanouie, même après avoir perdu sa virginité. “A l'égard de la sexualité préconjugale, notre société cultive un triple interdit : éducationnel, religieux et légal. Comment voulez-vous ne pas culpabiliser dans ces conditions ?”, s'indigne-t-elle.
Reste que, même si la culpabilité est dépassée, l'espoir du mariage est toujours présent, en inéluctable trame de fond. C'est juste qu'un autre espoir s'y superpose : celui de tomber sur un mari “qui m'acceptera comme je suis”. Comprenez “malgré mon handicap”. Dur, dur, de dépasser complètement le traumatisme du “triple interdit”… Heureusement, de plus en plus d'hommes n'en font plus une affaire de principe. Il est vrai que le concept de mariage a aussi évolué. L’intervention des parents dans le choix de la promise n’est plus aussi décesif qu’elle l’était. L’homme, soumis à moins de pression, a désormais plus de latitude pour choisir seul sa fiancée, vierge ou pas. “La virginité reste toujours associée au mariage, explique le sociologue Jamal Khalil. Si elle n'est plus autant exigée, c'est parce que la question ne se règle plus entre les familles, mais au sein du couple”.
Qu'en pensent les hommes ?Le rite moyenâgeux du seroual tâché de sang qu'on exhibe à la sortie de la chambre nuptiale comme preuve de la “bonne conduite” de la nouvelle mariée a, heureusement, quasiment disparu. Pourtant, beaucoup d'hommes, même parmi ceux qui se disent “modernes”, avouent n'envisager épouser qu'une vierge. “Dans un focus group, j'avais demandé à un jeune cadre s'il était prêt à se marier avec une fille qui avait déjà eu une expérience sexuelle. Il m'a répondu qu'il 'pourrait lui pardonner'”, raconte la sociologue Soumia Nouamane Guessous. Pas de raison que les hommes soient moins marqués par leur éducation que les femmes…
En réalité, le regard que portent les Marocains sur les filles dépucelées comporte un curieux paradoxe. Au sujet de l'impératif de virginité, beaucoup affichent une incontestable ouverture d'esprit. Dans le même milieu social, toujours (urbain, classe moyenne), de plus en plus d'hommes admettent qu'il est injuste de demander aux filles de rester vierges, alors que la réciproque n’est pas exigée des hommes - bien au contraire. Mais ceux-là sont encore loin de constituer la majorité. Hanane en sait quelque chose. Quand Karim a demandé sa main alors qu'ils n'avaient pas encore consommé, elle avait trouvé ça légèrement désuet mais “romantique”. “Par honnêteté”, elle lui a annoncé qu'elle n'était plus vierge. “Quand je lui ai dit ça, raconte-t-elle, il a serré les lèvres, puis m'a dit qu'il 'n'avait pas de chance', mais que ce n'était 'pas grave'. J'ai immédiatement rompu”. Réalisant sa bourde, le prétendant l'a harcelée au téléphone de longs mois durant. Mais Hanane n'a pas cédé. “Il a dit tout haut ce que beaucoup d'hommes pensent tout bas. Dans un sens, il m'a rendu service. Imaginez que je n'aie découvert sa vraie mentalité qu'après le mariage”, frémit-elle.
Encaisser des remarques blessantes, c'est peut-être le prix à payer par celles qui ont choisi d'afficher sans détours leur droit à la sexualité. “Ça veut dire quoi, la virginité ? Si c'est ne jamais avoir couché avec un homme, dans ce cas, aucune Marocaine n'est vierge”, se révolte Hasna. Car, c'est bien connu, on peut avoir une vie sexuelle des plus délurées sans perdre sa virginité pour autant. Obnubilées par le discours de leurs mères, les pressant de “préserver le 'trésor' qu'elles ont entre les jambes” (sic !), nombreuses sont les jeunes Marocaines à offrir leur corps à tous les plaisirs… sauf à la pénétration. Sodomie, fellation, frotti-frotta (aussi connu sous le sobriquet de “pinceau”)… tout est envisageable, pourvu que le sacro-saint hymen soit préservé. Et les hommes, qu'en pensent-ils ? “Tant qu'ils éjaculent, ils sont contents”, tranche Hind, 24 ans et grande adepte du “bricolage” sexuel. Mais Hind, elle, est-elle “contente” ? A cette question, nous n'aurons qu'une moue peu convaincue en guise de réponse… “L'épanouissement sexuel devient important pour les femmes aussi, assure Jamal Khalil. Ce n'est pas encore la norme, mais c'est une tendance qui progresse”. Ajoutons : dans la difficulté, parce que les hommes, de leur côté, ont du mal à s'habituer aux nouvelles exigences de leurs partenaires, hier encore majoritairement vierges. “J'ai plaqué mon copain parce qu'il était égoïste au lit, et ne recherchait que son propre plaisir”, raconte Halima. Il est loin le temps où elle se sacrifiait pour ses partenaires, juste “pour qu'ils sentent que je les aime”. Zineb, 28 ans, résume parfaitement cette évolution : “Au fil des expériences, on n'est plus gourmand mais on devient gourmet. C'est très différent”.
L'hypocrisie familialeLa famille, évidemment, reste le premier frein à une sexualité féminine pré-conjugale épanouie. Rares sont celles qui osent vivre seules, même si elles sont autonomes financièrement. La pression de la famille et du qu'en-dira-t-on reste très forte, tous milieux sociaux confondus et quel que soit l'âge de la jeune femme. D'après une enquête du quotidien l'Economiste, 62% des jeunes Marocaines considèrent “compliqué” d'avoir un flirt, jugeant que les principaux obstacles sont la famille (43%) et le voisinage (23%). Compliqué, mais pas impossible. Il suffit de se conformer à une autre “norme suprême” largement en vogue au Maroc : l'hypocrisie. Comme dit le proverbe, “si l'œil ne voit pas, le cœur ne souffre pas”… Les familles, surtout les mères, ne sont pas dupes. Elles se doutent bien que leurs filles ont une vie sexuelle, mais ne peuvent plus se permettre, comme cela se faisait naguère, de les mettre en demeure de quitter la maison si elles ne renoncent pas à la “débauche”. Elles pourraient bien les prendre au mot… Même une approche moins dramatique, qui consiste simplement à “en parler”, est généralement proscrite par les mères de famille. Leurs effrontées de filles pourraient bien, tout simplement, leur dire la vérité… et faire voler en éclats leur référentiel culturel. “Je ne peux pas en parler avec ma mère, malgré la complicité qui nous lie, se désole Halima. Elle serait instantanément persuadée que c’est à cause de la perte de ma virginité que je suis toujours célibataire, et le vivrait comme un drame”.
Le faire, donc, mais ne jamais l'avouer. Et pas qu'aux mères ! Selon la même enquête de l'Economiste, 67% des Marocains mâles disent avoir eu des relations sexuelles avant le mariage, alors qu'une proportion voisine de filles affirme… le contraire ! Selon une autre étude, pilotée par le Pr Nadia Kadiri, psychiatre au CHU Ibn Rochd, 98% des Marocaines de 20 ans et plus estiment que l'impératif de virginité avant le mariage est… “une règle sociale à préserver” ! Au-delà de la perplexité que peut susciter une hypocrisie aussi générale, ce chiffre laisse pointer une sérieuse inquiétude pour l'avenir : non seulement ces jeunes femmes mentent effrontément sur leur sexualité… mais elles semblent d'ores et déjà prêtes à éduquer leurs filles comme leurs mères les ont éduquées. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, et l'évolution socio-économique du Maroc étant, sauf accident de l'histoire, irréversible, la conclusion, hélas, s'impose : l'hypocrisie sur la virginité a encore de beaux jours devant elle !
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Paroles de femmes.
Leila, 31 ans, directrice de communication“Je n'ai jamais considéré l'hymen comme quelque chose de précieux que je devais préserver pour mon mari. Une fille vierge est une fille dont aucun homme n'a vu le corps. Et cela n'existe plus. Je n'ai pas honte de dire que je couche parfois avec des mecs juste pour le plaisir. J'assume pleinement ma vie sexuelle. Si un garçon me plaît, je lui dis clairement que j'ai envie de lui. Mais je sens que cela choque encore, même les filles les plus émancipées”.
Salima, 27 ans, avocate“Je ne sais pas ce que c'est que la virginité. J'ai été violée à l'âge de 12 ans. Adulte, j'ai eu quelques aventures amoureuses, mais aucune n'a abouti au mariage. Je sens que c'est mon passé qui en est la cause. Chaque fois que je couche avec un homme, je culpabilise. La virginité est un don du ciel. On me l'a volé. Je me sens amputée, souillée… et c'est pour cela que je suis maintenant dans une période d'abstinence. Ma dernière relation était avec un homme très sympathique, mais qui ne voulait pas se marier. J'ai fini par laisser tomber, car cela n'avait aucun sens, aucune finalité”.
Hasna, 30 ans, cadre“Mes relations amoureuses sont conflictuelles. Je n'arrive pas à me retrouver depuis la fin de ma première expérience, celle où j'ai perdu ma virginité. Je suis restée avec un homme pendant trois ans avant de découvrir qu'il était marié. Depuis, je crois que j'ai totalement perdu confiance. Des hommes, j'en ai connu, mais aucun ne pouvait remplir le vide laissé par le premier. Je lui en veux, parce qu'il était beaucoup plus proche de moi que n'importe qui. Quand je couche avec quelqu'un, je sens que c'est pour me venger de lui”.
Leila, 34 ans, sans emploi“Je suis vierge, dans le vrai sens du terme. Aucun homme ne m'a jamais touchée, même pas pour un bisou sur la bouche. Avoir une sexualité avant le mariage est contraire à mes principes et à ma religion. Ma virginité, j'y tiens, quitte à rester seule jusqu'à la fin de mes jours. Pour moi, c'est le meilleur cadeau qu'on puisse offrir à son époux. Quant j'ai des pulsions sexuelles, je me masturbe. Mais jamais je ne céderai à la tentation. La virginité est pour moi une fierté et je n'ai pas honte de le dire autour de moi. Celles qui passent à l'acte ne valent pas mieux que des prostituées. Puisse Dieu les ramener à la raison”.

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Paroles d'hommes.
Adil, 31 ans, homme d'affaires“J'aimerais bien tomber sur une fille sérieuse, même si elle n'est pas vierge. L'important, c'est qu'elle soit sincère et cohérente dans ses idées. Ce que je redoute le plus, ce sont les filles qui affichent une ouverture à l'européenne, mais qui deviennent des épouses castratrices après le mariage. Je ne veux pas être dupé. Les filles sont très compliquées. Si tu leur expliques dès le départ que tu veux uniquement t'amuser, elles te suivront sans problème. Si tu commences à leur dire que tu es sérieux et que tu veux te marier, elles feront tout pour ne pas arriver au lit, te laisseront languir pendant plusieurs mois et te diront à la fin qu'elles sont toujours vierges et donc, qu'elles ne se donneront qu'après le mariage”.
Hamza, 29 ans, chef d'entreprise“Je sors avec des filles clean, pas bnat zenqa (des filles de la rue). C'est plus simple d'avoir une sexualité épanouie dans une relation sérieuse. La virginité ? Je m'en fous. J'ai vécu deux expériences de concubinage et cela s'est très bien passé. Le courant passe facilement avec les filles ouvertes d'esprit qui ont fait des études à l'étranger. Et puis, arrêtons de nous fier aux apparences. Une fille qui s'amuse n'est pas forcément une salope. Elle ne va pas croiser les jambes en attendant le prince charmant”.
Amine, 33 ans, cadre“Les filles d'aujourd'hui sont facilement abordables. Avant, il fallait sortir avec une fille pendant des mois pour pouvoir espérer quelque chose, un simple frotti-frotta dans le meilleur des cas. Maintenant, elles sont plus ouvertes et savent ce qu'elles veulent. Une soirée galante, quelques verres, et le tour est joué. Parfois, certaines te proposent carrément de les accompagner chez elles. Cela ne me surprend pas. Au contraire, elles me facilitent la tâche”.

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Mentalités. L'hymen, ce “bijou précieux”
La réfection de l'hymen, “hyménoplastie” de son nom scientifique, a fait la fortune de beaucoup de chirurgiens marocains. Cette pratique, qui consiste à “recoudre” la membrane pour la ramener à son état initial, permet aux filles dépucelées, littéralement, de “se refaire une virginité” pour mieux duper de futurs maris un tantinet conservateurs. Et le marché est plutôt juteux. Pour les jeunes femmes qui cherchent à effacer une ou deux expériences “coupables”, le tarif oscille entre 3000 et 4000 DH, et l'intervention peut être effectuée la veille de la nuit de noces. Celles qui ont eu une activité sexuelle régulière doivent en revanche subir une opération plus lourde, au moins un mois avant la nuit de noces, et le prix peut aller jusqu'à 10 000 DH.Bien que répandue, l'intervention reste illégale. Comme l'avortement, elle se fait dans l'arrière-boutique des cabinets de gynécologues ou de généralistes. Une clandestinité qui joue, bien entendu, à la hausse sur les prix. Mais selon les gynécologues que nous avons consultés, la pratique serait en perte de vitesse. La chose se pratiquerait nettement moins que dans les années 80 ou 90, “parce que les habitudes sexuelles ont changé”.Un gynécologue raconte qu'il a un jour reçu un homme barbu, terrorisé que sa petite fille de 6 ans, dont le bas-ventre avait été accidentellement percuté par le guidon d'un vélo, ait… perdu sa virginité ! “Ce genre de névrose est très rare chez les gens issus de catégories sociales plus aisées”, précise notre gynéco. Une dame de la haute bourgeoisie lui avait un jour amené, pour une consultation, sa fille de 14 ans, qui avait utilisé un tampon hygiénique. “Mais la mère était beaucoup moins inquiète d'une éventuelle perte de virginité que d'une infection”. Ouf !

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Au-delà de l'“avant-garde” citadine…La misère sexuelle reste la norme
“àl'adolescence, les garçons et les filles découvrent leurs corps, subissent des pulsions, mais dans le silence le plus total. Adulte, le garçon est prisonnier du “syndrome de la virilité” qui le pousse à maintenir son érection coûte que coûte, plutôt qu'à rechercher le plaisir. Quant à la fille, habituée à la négation de son corps, elle sera incapable d'assumer sa féminité en dehors de la maternité”. L'analyse - lapidaire - est de la sociologue Soumia Nouamane Guessous, à laquelle on doit le fameux Au-delà de toute pudeur (Eddif), plus grand best-seller marocain de tous les temps. Elle démontre que l'indigence sexuelle dramatique dans laquelle vivent la grande majorité des Marocains (hors de la timide “avant-garde” urbaine de la classe moyenne) est, tout simplement, une affaire d'éducation. La “hchouma” qui entoure le sujet engendre toujours d'innombrables dégâts sur le rapport au corps, à la virginité, au plaisir. Selon une étude du Pr Nadia Kadiri, psychiatre au CHU Ibn Rochd de Casablanca, 68% des Marocaines n'ont jamais reçu d'éducation sexuelle d'aucune sorte avant d'avoir leurs premiers rapports sexuels. Pire, 31,5% des Marocaines pensent que l'éducation sexuelle est… néfaste pour les enfants ! La même étude montre que les relations sexuelles, chez les Marocaines, sont d'abord motivées par le besoin de procréation (70,3%) ou par la recherche de la satisfaction du mari (28,2%). La quête du plaisir n'est mentionnée que par un misérable taux de 1,3% des sondées. Les Marocaines étant majoritairement persuadées que les hommes ont plus d'expérience qu'elles, se laissent faire sans jamais exprimer leurs désirs. Mais les hommes ne sont pas, loin s'en faut, exempts de névroses sexuelles. La plus fréquente : la forte angoisse de ne pas maintenir leur érection assez longtemps. Quant au plaisir féminin, il est, pour la plupart des Marocains (femmes comprises !), entouré du plus grand mystère. Résultat, pour le Pr Kadiri : “Chez les Marocains, le sexe se traduit très rarement par un véritable partage. On ne pourra pas envisager d'éveil sexuel tant que les Marocaines et les Marocains ne recevront pas une éducation sexuelle dans leur première jeunesse”.

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Lexique. Brutal langage
S’agissant de la virginité féminine (ou de son absence), les Marocains ont un lexique particulièrement riche… et brutal. On dira ainsi d'une fille vierge : mazala bent (“c’est encore une fille”), baqa nqia (“elle est encore propre”), ma 3ammarha daqtou (“elle n’y a jamais goûté” - en référence au pénis) ou encore le très élégant baqa f'mikt'ha (“elle est encore dans son emballage”). Quant à une fille dépucelée, les plus sobres diront d'elle wallat mra (“elle est devenue une femme”). Quant aux autres, ils auront le choix, pour la qualifier, entre les adjectifs mahloula ou mserrha (“ouverte”), metqouba (“trouée”) et mefrou3a (“éclatée”). Terrible… et édifiant !

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