vendredi 8 juin 2007

Le sacrè,l'argent et l'impunité





Le roi, Majidi et les affaires: le malaise :
L’affairisme de l’entourage du Roi ne fait plus ciller tellement il est devenu une marque de fabrique de la nouvelle ère. Dernière affaire en date, les révélations explosives de la cession d’un terrain des Habous au directeur du secrétariat particulier du roi pour une bouchée de pain font jaser. Elle fait suite à d’autres affaires tout aussi scandaleuses. Si rien ne permet de dire que le Roi lui-même a approuvé a priori ces opérations, l’impunité à posteriori des proches incriminés accrédite l’idée d’une culture de gouvernance malsaine.
Il est peu de dire que les révélations sur ce qu’il convient d’appeler l’affaire Majidi ont nourri le moulin à rumeurs des salons qui comptent à Rabat et Casablanca. Ce qui a le plus surpris n’est pas tant l’information en elle-même que sa publication dans un journal, “Al Ahdath Al Maghribia”, plutôt réputé pour ménager la monarchie. L’affairisme de l’entourage du roi ne fait plus ciller tant il est devenu une marque de fabrique de la nouvelle ère. Non, ce qui fait jaser, c’est pourquoi “Al Ahdath” a publié l’information et surtout, QUI a informé Al “Ahdath” ? Au dernier pointage, la thèse voulant que Fouad Ali Al Himma, un «ami» du quotidien arabophone, serait à l’origine de la fuite, vient en tête des théories avancées par les bookmakers spécialistes des us, coutumes et autres intrigues du régime. Ainsi, la cour de Sa Majesté s’entredéchirerait.
Le combat entre les clans Majidi et Al Himma, le choc des titans serait entré dans son stade final, l’épisode de l’opération immobilière de Majidi à Taroudant n’en serait que la première salve publique. Hélas, la «peopolisation» et donc la trivialisation de ce type de scandale n’est qu’un signe de plus de la décrépitude du débat politique. Au-delà du supposé affrontement entre M. El Himma et M. Majidi, l’affaire de Taroudant est d’abord un scandale de gouvernance au plus haut sommet de l’Etat. Un scandale qui devrait inciter les Marocains et leurs élites à sérieusement revisiter leur relation avec la monarchie. Ainsi, le ministère des Habous, dirigé par Ahmed Taoufiq, a cédé à Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi un terrain de 4,5 hectares au prix de 50 DH le m2. La valeur de marché de ce terrain est en fait de 4.500 DH le m2. En réalité c’était comme si le ministère des Habous avait offert à M. Majidi la modique somme de 20 milliards de centimes. Quelle ironie que l’affaire ait été révélée au moment même où le roi d’Arabie Saoudite, Abdallah, offrait au Maroc 50 millions de dollars pour combattre la pauvreté. Deux opérations et des poussières comme celle de Majidi et le ministère dirigé par Ahmed Taoufiq aurait pu générer la même somme sans recours aux âmes charitables du Golfe. Contacté par “Le Journal Hebdo”, Ahmed Taoufiq confirmait par ailleurs les informations publiées par “Al Ahdath”mais n’avançait aucune justification pour cette fortune généreusement octroyée au secrétaire particulier du commandeur des croyants aux dépens de la…. communauté des croyants. En plus d’être profondément immorale, l’opération est d’une stupidité politique rarement vue. Ainsi l’épargne de musulmans octroyée au système des Habous est utilisée pour engraisser les proches du roi. Traducteur de la volonté royale, le ministère en charge de promouvoir un Islam tolérant en prétenant se situer au sommet de la pyramide du fait religieux sert de caisse aux amis du pouvoir. Nul besoin de posséder une imagination fertile pour deviner quelle type d’exploitation peut en faire l’extrémisme religieux dans notre pays. Cette opération n’est en fait que la plus récente d’une série de manipulations douteuses, voire parfois clairement illégales, qui ont touché l’entourage proche du roi. La plus emblématiques étant l’affaire Talsint qui a vu un cousin du roi proposer en échange de faveurs fiscales une augmentation de ses parts dans la société qui devaient exploiter le fantomatique pétrole de Talsint. Une affaire de trafic d’influence claire comme de l’eau de roche. Il y eut aussi les deux dossiers mettant en cause Mohamed Benaïssa concernant le Fonds d’aide omanais et la gestion de la municipalité d’Asilah que la Cour des comptes, sous l’égide de Ahmed El Midaoui, s’est empressée d’enterrer. Sans oublier l’affaire de la résidence de Washington qui implique le même Benaïssa. Il y eut les révélations de Moulay Zine Zahidi mettant directement en cause des promoteurs immobiliers protégés par l’actuelle monarchie. Témoignages que la commission parlementaire en charge d’enquêter sur l’affaire CIH et la Brigade Nationale de la police judiciaire ont tout simplement refusé de consigner. Plus récemment, le phénomène Addoha a éveillé de sérieux soupçons sur l’implication de proches du sérail et plus précisément dans l’entourage de Mounir Majidi sur le marché boursier. Sans raisons économiques apparentes, le titre Addoha a explosé en Bourse enregistrant des hausses stratosphériques jugées inexplicables. Inexplicables si on prend en compte les informations disponibles au moment des faits pour le public. En fait, quelques semaines après, le roi recevait en grande pompe les dirigeants d’Addoha et rendait publique une série de projets permis avec moult avantages par l’Etat à la société dirigée par Anas Sefrioui.Dans toute économie de marché qui se respecte, le gendarme de la bourse ouvre immédiatement une enquête pour s’assurer qu’il n’y a pas eu délit d’initié. Malgré les très forts soupçons, le Conseil déontologique des valeurs mobilières, institution censée assurer le rôle de contrôle de la Bourse de Casablanca, a préféré regarder ailleurs. En fait, l’accumulation de ces affaires souligne deux types de problèmes : l’un institutionnel et l’autre politique. Prises une à une ces affaires montrent comment la toute-puissance de la monarchie corrode les mécanismes de l’Etat. Dans l’affaire Taroudant, la procédure de cession impliquait l’existence d’un dahir, voire d’un appel d’offres.

L’Etat monarchique
Dans l’affaire Talsint, le trafic d’influence dont la justice aurait dû se saisir est resté impuni. Dans l’affaire Zahidi, la BNPJ n’a pas respecté la loi en refusant de transcrire le témoignage de l’ex-PDG du CIH. Dans le cas Addoha, le CDVM n’a pas rempli la mission que lui imparti la loi. Et à chaque fois, la perversion de l’action de l’Etat provient de la domination absolue de l’institution monarchique de l’appareil d’Etat. La monarchie phagocyte l’Etat. Si rien ne permet de dire que le roi lui-même a approuvé a priori, ces opérations, l’impunité, a posteriori, des proches incriminés accrédite l’idée que le souverain a au moins laissé s’installer une culture de gouvernance malsaine. C’est pour cette raison que ceux qui claironnent la nécessité d’un Etat fort pour justifier le quasi-absolutisme monarchique se trompent. Le fonctionnement de cette monarchie a au contraire montré que plus elle était puissante plus l’Etat s’affaiblissait. Ce qui nous amène à la dimension politique du problème. La vénalité décomplexée de l’entourage royal doit beaucoup à l’attitude d’une bonne partie de nos élites, et plus précisément de celles qui se réclament du progressisme social. Ces élites, généralement liées à la gauche gouvernementale, ont décidé de combattre le conservatisme social des islamistes, décidé de se cacher dans les jupons de la monarchie. Au lieu de prendre le pari de l’intelligence des Marocains et d’engager un franc débat en faveur d’une société progressiste et respectueuse de la sphère privée, ils ont fait le choix de préserver leur mode de vie en érigeant la monarchie en seul et unique rempart face à la montée en puissance des islamistes en général et du PJD en particulier. En offrant un chèque en blanc à la monarchie, ils se sont condamnés à ne jamais la critiquer. Le Journal Hebdomadaire a plus d’une fois souligné la centralité et l’importance de la monarchie dans l’accompagnement du Maroc dans un processus de démocratisation serein. La monarchie que nous avions en tête est une monarchie crédible par la probité de son comportement, assez crédible pour commander le respect par l’exemple et non par la force. Hélas, la monarchie actuelle semble s’éloigner de ce modèle. La balle est aujourd’hui dans le camp des Marocains et de leurs élites. Le temps de redéfinir leur relation à la monarchie est peut être arrivé.
Par Aboubakr Jamai & Ali Amar
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Grande Braderie aux Habous pour Majidi

Le scandale a fait la manchette du quotidien «Al Ahdat Al Maghribiya» le 26 mai dernier .
Le journal a révélé avec un luxe de détails la cession faite par les Habous d’un terrain de 4,5 ha situé au cœur de la zone touristique de Taroudant en faveur de Mohamed Mounir Majidi, le directeur du secrétariat particulier du roi et président de Siger, la holding royale qui contrôle l’ONA, la SNI et Attijariwafa bank, pour la modique somme de 50 DH le m2, alors que le prix transactionnel observé dans le secteur avoisine selon les spécialistes les 4500 dh le m2. (lire la chronique de Khalid Jamaï en p. 39). Selon une source autorisée du ministère des Habous et des affaires islamiques, Mohamed Mounir Majidi a introduit par écrit en 2005 sa requête pour l’acquisition de ce terrain au département de Ahmed Tawfiq, avec qui il a eu à s’entretenir directement sur les modalités de transferts du titre. Les Habous qui détiennent un patrimoine foncier et immobilier conséquent ne doivent céder aux particuliers leurs biens que dans des conditions particulières drastiques où l’intérêt général d’une cession à un tiers est explicitement démontré. Dans ce cas, cet intérêt n’est pas de mise : le prix étant très nettement sous-évalué et la destination du bien ne profite qu’à une seule personne et non à la collectivité. De plus, toute cession des Habous doit se faire selon les
dispositions d’un dahir datant de 1913 qui oblige à la vente aux enchères et à la publicité de la transaction dans un délai de trente jours dans les colonnes d’un journal légal. Pour Ahmed Tawfiq qui se refuse à commenter l’évaluation du prix actuel du terrain, la méthode de la surenchère publique n’est utilisée par les Habous que dans le cas de terrains lotis. Le ministère aurait eu, selon lui, le choix de procéder à une expertise des tribunaux compétents ou tout simplement d’une estimation du «Nader» local, c’est-à-dire le fonctionnaire du ministère responsable de la gestion du bien ! C’est ce qui fut fait dans le plus simplisme des gré-à-gré . Une commission du même ministère a eu à confirmer l’évaluation du «Nader» qui a reçu plus tard l’onction du secrétariat général auquel Ahmed Tawfiq exprime «toute sa confiance». Le titre fut enregistré au nom de Majidi fin 2006. Pour enfoncer le clou, Ahmed Tawfiq ose la comparaison. Pour lui, la doctrine des Habous ne doit pas s’opposer, ni être «un frein à l’urbanisation galopante». Et pour étayer ses dires, il prend pour exemple… Marrakech qui a vu son foncier atteindre des prix stratosphériques et où les Habous ont cédé des terrains à tour de bras à des prix de pochettes-surprises. Là encore Tawfiq balbutie des arguments à tomber à la renverse. La location dérisoire des terrains autorise des cessions dites compensatoires. En clair, il vaut mieux brader que louer à bas prix et accepter une compensation tout aussi dérisoire (selon la logique de la «Mouaâwada»). Pour en apprécier toute l’ampleur, le ministre cite des cessions de terrains à la CDG à des tarifs défiant toute logique de marché. En contrepartie, la CDG a signé une convention avec les Habous pour construire des mosquées aux fidèles !

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